Didier Kala, jeudi 4 juin 2009 - 11:50
Parmi les les nouvelles menaces qui guettent la société française, la mouvance anarcho-autonome est l’une des plus dangereuses : comités invisibles, non-attentats et désorganisation extrême sont autant de facteurs inédits qui rendent difficile, voire impossible, sa prévention. C’est pourquoi, sous l’égide du ministère de l’Intérieur, la police a mené sa révolution culturelle pour s’adapter à ce nouveau péril en échappant à tout contrôle formel.
Les mouvements terroristes des années 2000 ont révélé des conflits intérieurs bien plus qu’un choc entre des blocs homogènes, fussent-ils idéologiques, nationalistes ou religieux. L’expansion d’Al-Qaida, pour ne prendre que cet exemple, n’a pas été provoquée par un soudain engouement pour l’Islam, mais par l’exploitation d’un sentiment de dépossession parmi les classes populaires du monde entier. La doctrine salafiste associée est le cheval de Troie qui permet de l’exporter, pas sa raison d’être.
Il en va de même pour le blocage de l’assemblée générale du groupe PSA par les salariés chômeurs de Lear. Pas de turbans, mais des slogans.
Voilà la menace.
Les popos pour les Nuls, un manuel à mettre entre toutes les mains.
Les services de sécurité européens sont conscients depuis des années que les nouvelles lignes de fracture de l’ordre public sont maintenant isoplanes, et que le danger vient de sous le niveau zéro, indépendamment des frontières. On sait à peu près combien de gens ont la tête sous l’eau, mais on ne sait pas s’ils aiment réellement les daphnies dont on les saupoudre à intervalles réguliers.
Parmi le peuple des profondeurs, il est un mouvement qui remonte de plus en plus régulièrement à la surface au bénéfice des sommets mondiaux, des manifestations lycéennes ou du TGV de 14h37 : les anarcho-autonomes.
Pour des raisons évidentes de préservation de l’espèce, ils n’ont pas l’électricité, qui est souvent létale en milieu marin. On ne peut donc pas surveiller leurs communications, sauf à abattre des pigeons au hasard en espérant trouver accroché à leur patte un message compromettant.
Or il y a beaucoup de pigeons et le Charles de Gaulle passe sa révision des 125 kilomètres : la France n’a tout simplement pas les moyens de surveiller les anarcho-autonomes, ce qui les rend de facto imprévisibles.
Pour pallier cette imprévisibilité, il fallait que la police change de méthodes. C’est chose faite, sous la non-supervision du ministère de l’Intérieur : la police est devenue elle aussi anarcho-autonome.
« Pour devenir le caniveau, il faut longtemps regarder le caniveau », a peu ou prou écrit Friedrich Nietzsche. Bien que le philosophe allemand ait été rangé dans les cimes inaccessibles de la bibliothèque familiale des Sarkozy, deux lettres après Madame de Lafayette, l’instinct du jeune futur président de la République l’a toujours rapproché de ses théories, tout comme sa taille l’a toujours rapproché du caniveau.
Cette influence, ainsi que celle de son mentor Charles Pasqua qui souhaitait « terroriser les terroristes », l’a mené à développer une doctrine simple mais géniale en ceci qu’un policier pouvait la retenir même après avoir reçu une canette de bière sur la tête [1] : Go boys !
Michèle Alliot-Marie répond aux critiques : « Démission ? Mais j’ai démissionné il y a longtemps ! Gnââârh ! »
L’omniprésence de Nicolas Sarkozy ministre de l’Intérieur a toutefois minimisé la portée de cette doctrine : difficile en effet de se laisser aller quand on se sent observé en permanence, difficile de laisser se développer son style personnel quand un Petit Frère vous explique toutes les trois minutes comment viser les couilles avec un flashball [2].
C’est donc quelques années plus tard, grâce à l’absence d’influence de Michèle Alliot-Marie, grandement aidée par celle exacerbée de Rachida Dati, que la police a su prendre son autonomie et est réellement devenue hors de contrôle.
Multiplication des mutilations à l’arme de service, arrestations de voleurs de vélos, batailles de polochons sur les vols Air France, ou squat des cages d’escalier dans les écoles maternelles sont autant de manœuvres audacieuses qui égalent en ingéniosité la partie de pétanque en triplette avec des parpaings à la place des boules et une caténaire pour cochonnet.
Si les Français qui n’ont rien à se reprocher sont au mieux interloqués, les individus suspectés d’un jour pouvoir basculer dans la contestation sont pour leur part terrorisés.
C’est bien le but recherché. Cette intrusion de l’irrationnel dans l’action des forces publiques brouille les lignes auxquelles les rebelles potentiels sont habitués.
Si la police française peut ainsi agir en toute impunité, il convient en effet d’y réfléchir à deux fois avant de dire une connerie, même par SMS, même pour rigoler. En s’affranchissant de toute contrainte, la police peut enfin faire son travail, qui est de protéger le citoyen respectueux - lui - des lois.
La pratique semblant être acceptée [3], il convient maintenant de la nommer, sans quoi les media auront le plus grand mal à mener leur action pédagogique.
Afin d’éviter toute confusion avec les anarcho-autonomes méchants, les totos, le ministère de l’Intérieur préconise l’emploi du terme popos, dérivé de policiers. Un terme simple, que même les délinquants de trois ans sauront reconnaître et craindre.
[1] Le lieutenant fait toujours des passes pourries
[2] « Ne baisse pas les yeux ! Regarde droit devant toi ! »
[3] Quelques critiques semblent s’élever sur le net, mais tout devrait rentrer dans l’ordre avec l’adoption de LOPPSI.
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