L’événement tant attendu est enfin arrivé, et c’est avec soulagement qu’après une année emplie de difficultés les habitants de Port-au-Prince ont pu profiter ce matin de l’ouverture des soldes.

Ils étaient nombreux à avoir choisi de dormir dans la rue pour ne pas rater l’ouverture des magasins, et pourtant ce fut la cohue. Queues interminables, vêtements que l’on s’arrache même sur le dos, bousculades et cris : même la plus aguerrie des fashionistas parisiennes aurait eu du mal à tenir son rang tant l’enthousiasme était général.
Ces soldes constituent une véritable bouffée d’air frais pour les Port-au-Princiennes qui ont vécu une année 2010 profondément pénible : leur garde-robe a été mise à mal par un tremblement de terre, un tsunami, des ouragans et, beaucoup plus dur à rattraper, en particulier sur le blanc, une épidémie de choléra.

Pour Josette Bonaventure, qui campe devant le C& de Port-au-Prince depuis près d’un an, sous le A qui gît non loin, il s’agit réellement d’un jour de fête : « Enfin ! Nous écoutons beaucoup la radio française en Haïti, vous savez. Quand ce matin j’ai découvert que les actualités débutaient avec les soldes plutôt qu’avec l’anniversaire du séisme, je me suis dit que ça devait être très important ! Bien sûr, je ne sais pas si je trouverai tout ce que je cherche, j’aurais préféré aller à H&, mais le M est réservé aux familles nombreuses et j’ai perdu la mienne. »

Devant le H&, justement, Mauricette n’est pas moins diserte : « C’est vrai, nous n’avons pas beaucoup d’argent, mais nous réussissons à économiser en mangeant des galettes de boue. Et nous avons offert Bruce Lee à des Français pour Noël. Ils avaient l’air si heureux, ils l’ont vite ramené chez eux pour le déballer… »
Le regard de Mauricette se voile un instant et sa voix déraille, mais elle se reprend vite, avec la dignité énergique qu’ont souvent les abîmés de la vie et qui remplit de joie le cœur de ceux qui les observent : « Mais on ne peut pas se plaindre ! On va vraiment pouvoir faire des affaires aujourd’hui ! Je prie Dieu pour trouver une petite culotte en soie, rouge, vous voyez, et aussi du fil pour recoudre l’ouverture de la jambe droite. J’ai confiance en Dieu. »

Pas de doute : l’aide internationale a porté ses fruits, et grâce à l’attention bienveillante du monde entier les Haïtiens retrouvent enfin une existence normale.