Dans un papier intitulé "La République laïque confirmée par le Conseil Constitutionnel", M. Jean-Louis Denier se lance dans une diatribe que n’aurait pas reniée notre très cher Maurice Panel, qui en l’espace de quelques lignes s’est fait voler une vedette qu’il conservait jalousement depuis des années.

« Toutes et tous, celles et ceux qui, tout à la fois, Français(es), patriotes, ami(e)s de la République Française laïque, une et indivisible pour laquelle tant de nos aïeux ont donné leur vie et versé leur sang, se réjouiront de ce qu’à la date du 7 octobre 2010 le Conseil Constitutionnel ait, sans faillir ni hésiter, emprunté le bon chemin, celui du Droit et de la cohérence.
Deux chemins s’offraient à la juridiction suprême quant à la façon d’appréhender, juridiquement, le problème du port de la burqa dans l’espace public : prendre la direction de Munich et capituler devant le « fascislamisme », prendre la direction de Londres et faire le choix de la Résistance. »

Tariq Ramadan attendait Jacques Chirac à Munich, mais il n’est pas venu.

_ En dehors du fait que le lecteur de passage apprend avec stupéfaction que Jacques Chirac a quitté Paris pour traverser la Manche et qu’il émettra bientôt sur la BBC des messages de soutien à la résistance contre l’occupant nazi, le vrai patriote est subjugué par l’adresse avec laquelle M. Denier manie la plume, qu’il porte profondément dans la plaie de l’islamisation en explosant le point Godwin avec un réel talent. Il relègue Xavier Bertrand et sa « presse des années 30 » au rang de petit amateur.
A noter que M. Denier fait d’entrée taire toute velléité de critique par un habile sous-entendu : a contrario, les petits péripatéticiens qui ne se réjouiraient pas ne sauraient être de vrais patriotes. D’ailleurs leurs aïeux n’ont pas donné leur sang pour la sauvegarde de la République laïque, une et indivisible. Leurs aïeux étaient d’affreux collaborateurs ou alors des mutilés volontaires ayant échappé au peloton d’exécution en 1914.

Marianne, en publiant ce papier, fait preuve d’un courage exemplaire en s’affranchissant de sa propre ligne qui, dans le même temps, consiste à fustiger les « invectives fondés sur des rapprochements historiques douteux ou ridicules ». D’aucuns prétendront que Marianne est devenu une feuille schizophrène de type crypto-poujadiste tout juste bonne à récurer les sphincters les moins sensibles, nous préférons y voir le signe que sa rédaction est une source d’où jaillit une chiasse éditoriale un bouillon d’idées, promesse du renouveau d’une presse populaire ni de droite, ni de gauche.

La loi ne m’empêchera pas de poursuivre ma mission contre l’anti-France.

Sur le fond, on ne peut que saluer l’interprétation que fait M. Denier d’une loi interdisant le port « dans l’espace public », d’une « tenue destinée à dissimuler son visage » : il s’agit d’une victoire de la vraie République laïque. Le terme « laïque » est d’importance, puisqu’il permet d’esquiver habilement la critique des islamo-fascistes qui seraient tentés d’ajouter « libre » derrière le mot « République » en se fondant sur une interprétation biaisée de l’article 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen que le Conseil constitutionnel a eu la sagesse d’évacuer d’un simple visa et sans autre forme de commentaire.
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui et M. Denier, qui vit en banlieue, a très mal aux yeux et à sa Francitude quand il voit une burqa dans son quartier. Il rentre dans son HLM bouleversé et passe une très mauvaise nuit à se demander si la République va pouvoir y survivre. D’où il suit que le voile intégral lui est foncièrement nuisible.

A noter enfin que la loi prévoit tout de même des exceptions justifiées qui aménagent ce régime d’interdiction, notamment lorsque la dissimulation du visage résulte de motifs professionnels. M. Denier, qui s’inquiétait du sort qu’on allait réserver aux X-men, est rassuré.