Didier Kala, mercredi 24 novembre 2010 - 15:31
Une nouvelle ère de gouvernance économique s’est ouverte hier à Disneyland Paris sous la houlette du Medef. S’avançant au-dessus des tripes encore fumantes du mouvement social, sa présidente a concrétisé les promesses faites aux syndicats de prendre le problème du chômage des jeunes à bras-le-corps.
Parallèlement, la CGPME a modernisé le Pôle Emploi pour en faire un centre de profit, qui fera fabriquer au juste coût les minutieux rouages dont chaque entreprise, aussi modeste soit-elle, a besoin pour fonctionner.
Dans la brume matinale des plaines orientales de l’Ile-de-France existe un pays magique, un pays où se côtoient pirates et princesses et où tout devient possible, un pays féérique dans lequel les petites filles courent derrière les lapins blancs et les présidents viennent chauffer la caille... Disneyland Paris !
Le lieu idéal pour organiser la cinquième édition des Rencontres Nationales de Nos Quartiers ont du Talent, un événement dont l’objectif est d’orienter les jeunes diplômés de banlieue vers un emploi qualifié et dont le nom est beaucoup plus joli que "Au Taf les Racailles !" (écarté dès le premier round de brainstorming).
Un lieu idéal parce que les jeunes concernés restent ainsi dans leur élément, la banlieue. Idéal aussi parce que quand on est Arabe ou Noir on maximise les chances d’embauche en allant directement voir l’employeur qui vous propose de porter un masque. Enfin, si on rêve d’un succès à la Susan Boyle, à qui le nom de l’événement adresse un clin d’œil discret, mieux vaut se mettre dans les conditions du conte de fées.
Les initiatives patronales promettent enfin le retour du plein emploi.
Le parrainage de Nos Quartiers ont du Talent par le Medef fait suite à la longue scène érotique que nous a offerte la télévision publique le mois dernier : Laurence Parisot avait alors langoureusement promis à un François Chérèque sensuel en diable de négocier avec les partenaires sociaux sur l’emploi des jeunes.
Chose promise, chose due ! Outre l’engagement du mouvement patronal dans l’embauche de talents géographiquement périphériques, Mme Parisot a ainsi entamé une série de consultations avec les syndicats de main d’œuvre.
Des consultations jugées créatives par la présidente du Medef, qui souhaite « changer les choses pour longtemps ». Afin d’atteindre cet objectif, elle supplie d’ailleurs le gouvernement de lui laisser « de l’autonomie et de la liberté ». Sera-t-elle entendue ? Rien n’est moins sûr, le gouvernement français étant traditionnellement rétif aux propositions entrepreneuriales.
Cette fois-ci, Madame Parisot entend arriver à ses fins, et cite comme première avancée le dialogue constructif mené avec FO, dont le secrétaire général Jean-Claude Mailly propose « d’obliger [les] jeune[s] à rester un peu dans l’entreprise si elle a pris en charge [leur] formation ». Soit un CDD obligatoire et mal payé garanti après un stage !
Une pratique qu’un certain nombre de SSII audacieuses applique déjà avec de jeunes surdiplômés immigrés qui n’ont pas la chance de trouver un emploi dans leur pays sous-développé, au risque de franchir les frontières floues d’un code du travail poussiéreux. Officialiser cet état de fait en embauchant directement nos étrangers à nous permettrait aux services de ressources humaines de remiser le broyeur de documents au placard pour ne l’en sortir qu’aux grandes occasions, et enfin pouvoir se concentrer sur leur cœur de métier : le bien-être des collaborateurs de l’entreprise.
L’autre grand syndicat patronal, la CGPME, s’est lui attelé à l’épineux problème d’inadéquation entre l’Education Nationale, qui forme durant 15 ou 20 ans des individus sur la foi de leurs rêves d’enfant, et l’entreprise, qui a besoin là, tout de suite, d’une double compétence Excel/Marketing social, qui ne nécessite pas les 15 ou 20 ans d’éducation et de toute façon n’en aura pas le salaire.
Une question de poule et d’œuf, si l’on veut, sur laquelle de nombreux économistes se sont cassés les dents en se grattant le crâne.
La solution préconisée par la CGPME est simple : mettre Hervé Morin et un clone du Jack Nicholson de Shining dans la même pièce.
Avec sa Préparation Opérationnelle à l’Emploi, qui forme les travailleurs au coup par coup en fonction des besoins immédiats d’une entreprise, la CGPME entend faire d’une pierre deux coups : permettre à l’Etat de réaliser de formidables économies sur le budget de l’Education Nationale en ne formant les futurs chômeurs que de manière sommaire, et permettre à ces futurs chômeurs de ne plus jamais s’entendre dire qu’ils sont trop qualifiés pour devenir équipier chez McDonald’s.
Une formation ad hoc appropriée permettra à chacun de trouver un emploi utile à la société. Même le Noir, là.
Pôle Emploi s’est associé à cette démarche et s’engage à fournir d’une part un demandeur d’emploi formable et d’autre part à financer une partie des besoins de l’entreprise qui embauche, un investissement bien plus utile qu’une énième allocation à un chômiste qui la boira de toute façon.
La préparation opérationnelle à l’emploi peut s’effectuer en interne afin de faciliter les démarches administratives. Le néo-salarié étant déjà assuré d’un emploi, il n’aura de toute façon pas besoin d’une formation diplômante qu’il pourrait faire valoir auprès d’un autre suzerain employeur.
Pour concrètes et positives qu’elles soient, ces initiatives des partenaires sociaux supérieurs ne seront toutefois pas suffisantes pour totalement éradiquer le chômage, et le gouvernement devra y mettre du sien.
Une catégorie de travailleurs semble en effet particulièrement menacée pour cause d’obsolescence : les cadres et fonctionnaires du ministère du Travail.
Le Premier ministre François Fillon a reconnu que cette population bénéficiait déjà d’emplois artificiellement protégés depuis huit ans et qu’il était temps de sérieusement s’attaquer à son reclassement, en évoquant diverses pistes à l’étude : « leur expérience leur permettrait d’occuper un emploi d’hôte ou d’hôtesse d’accueil pour la délégation du FMI qui ne manquera pas de nous visiter d’ici quelques mois. J’ai ouï dire qu’ils étaient relativement habitués au bunga bunga ».
Xavier Bertrand aurait pour sa part mis à jour son profil sur Copains d’Avant.
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