Injustement escamotée par l’actualité fantasque du mois de mai, l’idée de Laurent Wauquiez de requalifier les allocataires sociaux en cancéreux a néanmoins fait son chemin. C’est ainsi que Thierry Mariani, ministre des Transports et membre des troupes d’assaut de l’UMP, la Droite Populaire, a remis ce week-end sur la table la proposition d’un fichier national de toutes les victimes du cancer de l’assistanat.
La période est propice : le représentant spécial du président de la République pour l’Afghanistan et le Pakistan est en effet au chômage technique depuis que la paix règne dans ces deux pays, et le rythme serein de l’activité gouvernementale en été permet de s’atteler aux projets de fond que l’on a trop tendance à délaisser le reste de l’année.

Robert L., directeur financier du CAC 40 : « tout de suite j’ai des soucis, mais à l’intérieur cette nouvelle me donne la banane ».

M. Mariani s’en explique : « en août, je suis vraiment tranquille, je ne suis pas interrompu toutes les cinq minutes par Claude qui veut savoir si j’ai des avions disponibles en priorité 2 pour la semaine 24, etc. Je peux mettre les pieds sur le bureau, foutre du Wagner sans le casque et faire du Excel peinard. Là j’ai déjà mergé le RSA et les allocs, et si je peux passer la limite des 64000 lignes je rajoute les gogols ce soir. »
La gauche ainsi que certains centristes s’alarment de la création d’un nouveau fichier. Une opposition que le ministre balaie d’un revers de la main : « habitude historique. Le PS n’a pas encore fini d’éplucher les fichiers du KGB dont ils ont hérité quand le PCF s’est pendu, ils ont peur d’en récupérer un nouveau s’ils arrivent au pouvoir. Quant aux centristes, c’est l’inverse. Ils n’ont jamais vu un fichier de leur vie. Le comité de soutien d’Hervé Morin, c’est une liste de course pliée en deux. Quand la liste de noms ne tient pas sur l’écran, ils deviennent agoraphobes. »

Le fichier national des cancéreux doit-il justement faire peur aux Français ?
Pour Laurent Wauquiez, ceux-ci devraient au contraire se sentir rassurés : « le cancer, c’est contagieux. En faisant une liste des cancéreux, on permet à chacun de savoir de qui il faut se méfier pour ne pas risquer de mettre le doigt dans le dangereux engrenage de l’assistanat. A ceux qui poussent des cris d’orfraie et parlent de stigmatisation, je répondrai ceci : si vous n’avez qu’un petit cancer de rien du tout, vous ne devez ressentir aucune crainte. Vous serez les premiers à passer sous le bistouri fiscal et vous en ressortirez pimpants comme des sous neufs. Ce travail d’identification est le premier pas vers votre autonomie. C’est pour votre bien. »

Joseph Fouché, expert en fichiers à la commission interministérielle des fichiers, relativise par ailleurs la portée du dispositif : « un fichier, tant que personne ne le lit, c’est surtout un outil de relance sporadique de la croissance. Pour que celui-ci soit réellement efficace, il faudra le publier sur internet avec possibilité pour les citoyens de décrire le patrimoine de leurs voisins (BMW, vacances au soleil, Nike Air Jordan des enfants, etc.) au moyen d’un formulaire. Mais on y arrivera. »
Les bénéfices escomptés par l’identification individuelle des métastases qui rongent la France sont faramineux : de 2 à 3 milliards d’euros seraient ainsi potentiellement récupérables chaque année. Soit un demi Kerviel ou encore un tiers des transactions quotidiennes sur les valeurs du CAC 40.