Didier Kala, mardi 18 octobre 2011 - 09:13
La crise s’amplifie avec la dégradation surprise par l’agence Moody’s de la note de Jean-Pierre Ménard, un résident de la Courneuve, en Seine-Saint-Denis. Bien qu’il n’ait pas été au préalable placé sous surveillance, M. Ménard voit ainsi son score personnel passer de BAA1 à BA3. La crainte est grande d’assister à un effet domino et de voir son entourage pâtir de cette dégradation.
La nouvelle a rappelé aux habitants du quartier des artisans à la Courneuve que la crise était à leurs portes et qu’il n’était plus possible d’ignorer les coups de boutoir de l’économie mondiale.
Jean-Pierre Ménard, employé dans une société d’assurances à Paris, croyait pourtant « commencer à s’en sortir » : les traites sur son Multipla étaient presque payées et il avait pu offrir un cartable Transformers au plus grand pour son entrée en classe préparatoire.
C’est semble-t-il ce dernier détail qui a motivé la décision de Moody’s de réévaluer le crédit de M. Ménard à la baisse. Citant « un investissement superflu antérieur à la perception de recettes exceptionnelles » (le treizième mois de M. Ménard, ndlr) et des « projections de croissance irréalistes » (Mme Ménard envisage d’arrêter la pilule, ndlr), la firme du 7 World Trade Center a voulu envoyer « un signal ferme mais bienveillant » aux Ménard et à leurs créanciers.
La réaction des partenaires économiques de Jean-Pierre et Josette Ménard ne s’est pas fait attendre : leur voisin, M. Traoré, a récupéré sa perceuse dimanche à 21h15 et hier matin la caissière du Casino, prétextant une migraine, n’a pas souri à Mme Ménard.
Derrière ce que l’on pourrait prendre pour une défiance irrationnelle des marchés, c’est pourtant un souci de compartimenter les risques et sauver les pans de l’économie qui peuvent encore l’être qui prévaut.
Une attitude que justifie Ahmed Zerhouni, épicier au coin des rues Karl Marx et Laurent Béria : « Objectivement, oui, je pourrais faire crédit au petit s’il vient chercher cinquante centimes de bonbons en sortant de l’école. Mais si tous les habitants du quartier demandent un crédit quand ils achètent un paquet de café ? Je ne m’en sortirais plus, c’est ma propre note qui serait dégradée. C’est pas ramadan toute l’année : à partir de maintenant, c’est du sang, de la sueur, des larmes et du cash. »
A Bercy, on n’est pas beaucoup plus rassurant quant à la situation personnelle des Ménard. Interrogé en marge d’une réunion de préparation au G20, François Baroin est intraitable : « Y a pas marqué G21 sur les cartons d’invitation. On a assez de problèmes à traiter comme ça. Qu’ils inscrivent leur gamin à Sciences-Po sur le quota des ZEP et on examinera le temps venu. »
Invité du journal télévisé de France 2 lundi soir, le Premier ministre François Fillon a pour sa part exclu toute idée d’aide de l’Etat : « M. et Mme Ménard sont sans doute très sympathiques, mais cela n’est pas suffisant pour demander aux contribuables de mettre la main à la poche. On a assisté ces derniers mois à un comportement pour le moins irresponsable de leur part : une révision complète du Multipla en juin, trois déplacements au restaurant lors de leurs vacances à Berck Plage en août et ce fameux cartable Transformers début septembre. Il faut que les Ménard, et les Français, comprennent qu’il ne leur est plus possible de vivre au-dessus de leurs moyens s’ils veulent que la France tienne son rang dans un espace compétitif global. »
Dans le quartier des Artisans, à la Courneuve, on tente de faire contre mauvaise fortune bon cœur : Josette Ménard a réglé le thermostat sur 17°C.
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Minda Labarre
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