Alfred-Georges, mardi 18 janvier 2011 - 16:54
Tout le monde a bien compris que le parti majoritaire est résolument décidé à faire bouger les lignes, y compris en matière de communication politique.
Les internautes sont d’ailleurs aux premières loges, puisqu’ils peuvent admirer les derniers résultats de la vivacité créative des web-communicants de l’UMP avec l’Observatoire des mensonges de la gauche. Souhaitons-lui longue vie. Enfin, plus longue que celle des Créateurs de Possibles, malheureusement décédés dans des circonstances qui n’ont pas encore été élucidées.
Mais cette bande de jeunes échevelés qui font leurs armes sur le web ont encore beaucoup à apprendre de leurs aînés, notamment de Michelle Alliot-Marie, qui nous a servi aujourd’hui une prestation inoubliable devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée Nationale.
Revenons brièvement sur l’objet du prétendu délit. Mardi 12 janvier, Michèle Alliot-Marie, envoûtée par l’odeur du jasmin, se laisse emporter par sa fougue révolutionnaire en suggérant aux députés que le Président Ben Ali pourrait avoir besoin de « l’artisanat » du « savoir-faire » français en matière de maintien de l’ordre.
En effet, la France, pays des Droits de l’Homme, a toujours fait en sorte de concilier tranquillité publique et exercice du droit de manifester librement dans la direction indiquée par les lance-grenades lacrymogènes.
Interrogée sur cette sortie par la Commission, la Ministre des affaires étrangères a fait part de son profond désarroi quant à la mauvaise interprétation qui a été faite de ses propos, manifestement sortis de leur contexte par des journalistes aux intentions polémiques. En réalité, ce qui a été rapporté est l’exact « contraire de ce [qu’elle] voulait dire ». Il fallait entendre : « Je suis profondément touchée par le sort réservé aux Tunisiens et je soutiens pleinement leur aspiration à la liberté ».
Notez que l’exercice n’est pas forcément évident pour une oreille normalement constituée.
La révolution tunisienne s’accompagne donc d’une révolution conceptuelle dans l’art de la communication politique française. Une nouvelle grille de lecture est proposée à tous les commentateurs, que l’on pourrait résumer ainsi : « Ah, au fait, j’ai dit le contraire de ce que je voulais dire ». On aurait presque envie de répondre : « Mais t’es con ou quoi ? ». Ce serait faire maladroitement abstraction de l’extrême sophistication dont procède ce new deal dans les relations publiques : il s’agit ni plus ni moins de prendre l’auditoire à revers dans son intimité.
Le commentateur avisé doit désormais savoir pratiquer l’exégèse du discours pour éviter de l’interpréter de manière incorrecte, notamment dans le sens où il est prononcé, ce qui serait quand même dommage. Un exemple précis : il se pourrait que ce que vous lisiez en ce moment signifie le contraire de ce que vous CROYEZ qu’il signifie.
Et une image pour les moins avancés intellectuellement de nos lecteurs : lorsque je fais des avances à une donzelle dans un bar et qu’elle me répond « non », il n’est pas impossible qu’elle ait follement envie de mon corps, auquel cas je dois immédiatement m’en assurer en insistant lourdement dans les toilettes.
Etonnant, non ?
Certes, les journalistes auront un peu de mal à s’habituer et la couverture des prochaines échéances électorales promet d’être un peu chaotique, mais la rédaction de Brave Patrie est tout à fait disposée à leur donner un coup de main.
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