Dédé Lajoie, mercredi 20 octobre 2010 - 10:22
Les retombées politique du sauvetage de 33 mineurs chiliens (non grévistes) pour Sébastian Piñera, le président du Chili, et la couverture médiatique planétaire de cet événement suscitent (un peu) l’envie à l’Elysée. Heureusement le président a une idée….
« Nous avons perdu une occasion de montrer que la France peut creuser et descendre en dessous de tout et de tous : ce sont des entreprises américaines avec une technologie américaine qui ont organisé cette opération alors qu’en matière de fond à creuser un type comme Kouchner aurait tout à leur apprendre. » a déclaré Raymond Soubie, conseiller social (sic) du président. Et le même de rajouter les yeux brillants : « On a quand même une longue tradition d’accidents industriels dans ce pays, 987 rien qu’en 2007, et je parle pas des accidents du travail, c’est quand même triste qu’on puisse pas capitaliser la dessus ! Quand on voit ce que Piñera est arrivé à faire avec 33 types, possiblement syndicalistes ! Chez France Télécom on aurait enterré l’affaire (et les types avec) sans autre forme de procès ni même de procès d’ailleurs. Ils sont forts ces chiliens … »
La P-UMP devrait permettre d’enfoncer et d’extraire profondément les premiers ministres putatifs
En effet, le Chili ce n’est pas seulement ce pays où l’on appliqua entre 1973 et 1990 toutes ces réformes audacieuses et nécessaires [1] qui procurent encore aujourd’hui des érections monstrueuses à Ivan Rioufol. Le Chili c’est aussi ce pays où, après 69 jours de vacances hivernales, un ouvrier peut serrer avec amour la main de son président quand ce dernier le félicite de pouvoir retourner travailler encore quelques années.
Autant dire que pour le président et ses conseillers, il ne fait aucun doute que Piñera, en plus d’avoir un nom rigolo, a « une politique de com qui déchire sa race de puta madre ».
Un peu vexé de n’avoir pu sauver les 33 gnomes des cavernes du dessous, le président Sarkozy a décidé de reprendre les choses en main. La production minière française n’étant plus ce qu’elle était du temps des Wendell et la concurrence internationale se faisant de plus en plus rude dans le secteur de l’enfouissement/extraction, il fallait trouver autre chose.
C’est ainsi que vendredi soir, juste après Koh Lanta, le président de la République a annoncé qu’il allait réfléchir « sérieusement à quelque chose » avant d’ajouter avec componction que « ça allait chier grave ! ». Après quoi, il a invité la prime dame à le suivre dans sa « réflexion spirituelle solitaire » (le mot « retraite » n’est plus autorisé depuis quelques jours à l’Elysée) en gratifiant ses lombaires d’une élégante et classe petite tape.
Dans l’imaginaire collectif, la figure du mineur a toujours entrainé une forte inflation des fantasmes populaires.
Les fulgurances intellectuelles présidentielles qui ont duré tout le week-end (et deux fois aussi dimanche matin) ont fait accoucher le père de la Nation d’une idée forte : il faut à la France un projet commun. Quelque chose qui titille Marianne, un genre de projet de civilisation v2.0 © 2008 et, pourquoi pas, amène le peuple dans les stades (un peu comme au Chili en septembre-novembre 73).
Le raisonnement présidentiel part d’un constat lucide (!) : si les jeunes fricotent si facilement avec l’hydre syndicaliste, si les routiers ne sont plus du tout sympas (en plus d’être pauvres) et si même l’audience de TF1 est en baisse c’est peut être parce que le peuple, taquin, est impatient de connaître le nom du prochain 1er ministre. Dans l’entourage du président de la république 98,9 % des personnes interrogées par le service d’ordre sont « plutôt intégralement d’accord dans leur cœur et leur carrière » avec cette analyse (les 1,1 % restant ayant demandés qu’on leur « rende leur François Marie »).
Concrètement, l’idée présidentielle repose sur l’utilisation d’un trou (trou de la sécu, de la dette, de mon cru, normand, etc). Le trou idoine sera à la hauteur de l’ambition présidentielle : énorme, gigantesque, avec des accents mythiques, profond comme pourrait l’être un débat sur « la pauvreté en France aujourd’hui » qui réunirait Luc Ferry, Bernard Tapie et E.Leclerc. Une fois le trou identifié (vraisemblablement une mine pour faire la nique aux chiliens), on y place une grappe de premiers ministrables. Puis, toutes les semaines, l’Elysée sonde trou et peuple pour décider lequel des confinés présents doit en être expurgé.
Le produit de la pensance présidentielle qui a inondé sa nuit du samedi au dimanche doit se voir comme un subtile mélange entre « la ferme célébrités » et « loft story » [2] avec moins de sexe (Fillon participera) et plus de couilles (Morano est attendue). Pour stimuler la combativité des participants et agrémenter leur séjour plusieurs épreuves sont prévues : rationnement budgétaire, atelier de brisage de tabou, avalage de couleuvres…
Autant d’idées qui soulignent la clairvoyance présidentielle et marquent une nouvelle étape de son décennat (et oui !). Car en annonçant dès le mois d’avril un possible remaniement, le président avait intentionnellement lâché le « pitch » de la saison 3 de sa lumineuse gouvernance : de la baston, une lutte de tous les instants les uns contre les autres, un élu au final… Autant d’éléments qui sonnent aujourd’hui comme une vibrante allégorie et un hommage poignant rendu à la vie quotidienne de nombreux français.
[1] Le Chili est aujourd’hui le premier producteur mondial de « pastel de choclo ». Un marché hautement compétitif sur lequel même les chinois n’osent pas s’avancer ! Dans les années 70, le pays a tenté une diversification dans les camps de vacances, la production de pince à arracher les ongles et les générateurs électriques portatifs mais l’absence de débouchés pour ces produits l’a conduit à revenir à des fondamentaux moins rigolo : l’extraction de cuivre et la production agricole.
[2] Rebaptisé « rock story » parce qu’on est sous terre et aussi pour faire jeune et plaisir à Carla Bruni qui connait le dessous de choses.
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