Didier Kala, mercredi 19 octobre 2011 - 11:50
L’homme qui avait retenu en otage deux employés du Tabac des Pâquerettes, à la Courneuve, s’est rendu pacifiquement en fin d’après-midi. Aucune victime n’est à déplorer, ont annoncé les services de secours qui ont formellement écarté tout risque de cancer du poumon.
En début de journée ce mardi, à l’heure du calme relatif qui permet aux cafetiers de respirer entre le blanc limé du travailleur matutinal et le début des courses à Vincennes, le personnel du bar-tabac-loto des Pâquerettes, situé au cœur de la Cité des 4000 à la Courneuve, a eu la mauvaise surprise d’être confronté à la menace de ce qui semblait être une arme dangereuse.
Si l’arme s’est par la suite révélée être factice — en fait un tabouret à demi-dissimulé — M. et Mme 大熊猫打喷嚏 n’en ont pas moins enduré un véritable calvaire pendant plus de six heures.
Le preneur d’otages, un homme de 45 ans se présentant sous le nom de Jean-Pierre Ménard, était en contact téléphonique permanent avec Brave Patrie, préférant notre pure player à des media traditionnels qui auraient pu « manipuler [ses] propos ».
Les revendications de M. Ménard étaient multiples, allant de la récente augmentation du prix des cigarettes à la proportion inquiétante de bureaux de tabac franciliens gérés par des natifs du Wenzhou. Il a d’ailleurs tenu à s’entretenir en priorité avec notre expert de l’Indochine, Maurice Panel. La rédaction se trouvant en séminaire dans une brasserie munichoise, Jean-Pierre Ménard a finalement laissé plusieurs messages de deux minutes sur notre répondeur.
Le parcours de M. Ménard est semblable à beaucoup d’autres : employé d’assurances ni modèle ni incompétent, père de deux enfants pas très intelligents, les petites contrariétés se sont accumulées sans conséquences pendant des années jusqu’à ce que la limite du tolérable soit atteinte.
Dans le cas de M. Ménard, ce fut le passage du paquet de Marlboros à 6 euros et 10 centimes, qui oblige à ajouter de la monnaie à un billet de dix pour remplir deux grilles de Loto®. Or les cigarettes sont la dernière évasion de Jean-Pierre Ménard et le Loto® son dernier rêve.
« Je ne joue pas pour gagner, je sais que la probabilité est trop faible. Mais pendant quelques heures, je peux me permettre d’imaginer autre chose. C’est mon petit cinéma, ma détente... Je suis un roi, je suis un héros, même pour une seule journée. »
Le GIGN a fini par intervenir sur le pont Alexandre III, qui est plus photogénique que la cité des 4000.
Ce rêve est partagé par les millions de Français qui jouent chaque semaine, comme est partagé le cruel dilemme auquel ils sont aujourd’hui exposés. Obligés d’ajouter dix centimes au fidèle billet de dix euros, ils doivent maintenant puiser dans le bas de laine que constitue le bocal à pièces jaunes. Des économies sur lesquelles ils comptaient pour passer leurs vieux jours à l’abri du besoin.
« C’est bien simple, » explique M. Ménard, « jusqu’à l’augmentation des clopes je rentrais chez moi deux fois par semaine avec 20 centimes à mettre de côté. Aujourd’hui je prends dans la cagnotte. J’ai honte. »
Un point de vue que ne partage pas Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat, des PME, du Tourisme, des services, des Professions libérales ainsi que de la Consommation. Cet afflux d’argent dormant est selon lui indispensable à une reprise de la croissance en France : « Ce sont plusieurs centaines de milliers d’euros qui pioncent comme des clochards au fond des tiroirs, des euros qui peuvent participer à la relance. Quand ces connards de Français auront pris l’habitude de taper dans leurs réserves plutôt que de jouer à l’écureuil, on aura peut-être une économie digne de ce nom. »
Même s’ils y rechignent, les Français savent qu’ils doivent faire un effort supplémentaire et s’adapter à cet impératif économique, conséquence d’un nouveau paradigme financier inédit dans l’histoire de l’Humanité et peut-être de l’univers.
M. Ménard lui-même ne s’y est pas trompé, qui a accepté de relâcher ses otages sans contrepartie après plus de six heures de négociations avec les forces de l’ordre. Conscient de l’inutilité de son acte, il a par la suite avoué un certain soulagement devant cette issue pacifique : « j’ai même eu droit à un examen médical à la fin. Ça faisait des années. Apparemment j’ai la tuberculose. »
Interrogés par les journalistes présents sur les lieux depuis la mi-journée, M. et Mme 大熊猫打喷嚏 les ont regardés dans les yeux sans rien dire, puis se sont mis à parler chinois très fort entre eux. Mme 大熊猫打喷嚏 semblait sourire, mais ça n’est pas certain.
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