D’abord, seuls les habitués d’Histoires Naturelles s’en sont rendu compte. Un dimanche radieux aidant, le forfait est resté quasi inaperçu du reste de la population jusqu’à hier lundi matin, quand 67% des salariés sont arrivés au travail avec une heure de retard - ce chiffre serait de 92% chez les allocataires des Assédic, qui ont débarqué en masse dans les ANPE aux alentours de la pause-café de 11h45, provoquant une congestion jusque là inconnue chez les gestionnaires du redéploiement stratégique de la force de travail.
Les forces de l’ordre ont été diligentes dans la recherche des causes de ces manquements à la discipline, qui seraient inacceptables s’il n’avaient été aussi généralisés, excluant de fait une action concertée des forces de la cinquième colonne comme la CGT, les intermittents du spectacle et divers syndicats de l’Education Nationale.
Il semblerait, d’après les personnes interrogées, qu’une heure leur ait été dérobée aux alentours de 2h00 du matin dans la nuit de samedi à dimanche. L’immense majorité des caméras de surveillance corrobore cette hypothèse, à l’exception de celles du tunnel du Mont Blanc, qui ont cessé de fonctionner pour une raison encore inconnue.

Ce vol à très grande échelle a des implications monstrueuses : un réseau mafieux opère sur la totalité du territoire bravepatriote, un réseau capable d’une action concertée qui dépasse de très loin les symptômes habituels de l’insécurité sauvageonne, routière, maritime et métastasienne.
Car ce sont là plus de 60 millions d’heures qui semblent s’être purement volatilisées, portant un coup qui pourrait être fatal à la croissance dans une économie déjà gangrenée par le passage aux 35 Heures.
Le ministère de l’économie et des finances a déjà provisoirement chiffré la perte à 420 millions d’euros d’en-bas - des ajustements devant être effectués dès que MM. Pinault, Lagardère et Dassault seront en mesure de dévoiler leurs traitements.

Jean-Pierre Raffarin, revenu en urgence du Kart’In René Arnoux de Clermont-Ferrand, a déclaré sous son petit masque blanc hygiénique "Cet acte est inqualifiable, mais il ne faut pas se tromper d’ennemi. Le gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour démasquer les auteurs de ce méfait, et rendre aux Français ces heures dont ils ont besoin pour libérer les énergies. Je ne me rendrai pas en Chine tant que cette affaire n’aura pas été résolue." avant d’être interrompu par une petite toux que le médecin militaire posté à ses côtés a qualifié de "nerveuse".
Répondant à la question d’un journaliste concernant les perspectives de croissance pour 2003, le premier ministre a poussé un long soupir de soulagement avant d’admettre, des sanglots dans la voix, que "ce casse du siècle remet en effet en cause beaucoup de données que nous tenions pour acquises. La France ne connaîtra peut-être pas une croissance de 7,8%, comme initialement prévu par les analystes du ministère. Ce chiffre devrait maintenant être plus proche de 1%. De la même façon, le manque à gagner provoquera sans doute un glissement budgétaire et un report de la baisse de l’impôt sur le revenu. Nous invitons d’ores et déjà toutes les Françaises et tout les Français à faire don d’une heure de travail à leur entreprise cette semaine."

Nicolas Sarkozy a pour sa part donné une conférence de presse plus tard dans la soirée. S’il a d’abord fustigé un laxisme policier causé par les impérities des précédents gouvernements (d’occupation), il a ensuite fait état de développements importants : "Je me suis personnellement rendu dans les bureaux de l’horloge parlante, qui a été placée en garde à vue. Nous avons de bonnes raisons de penser qu’elle pourrait être complice de cet acte inqualifiable. Nous ne laisserons personne, je dis bien personne, racketter ainsi les montres à quartz de millions de petits Français. Il est inacceptable que dans notre Brave Patrie, aujourd’hui, des caïds de la trotteuse puissent ainsi pourrir la vie, je suis désolé mais il n’y a pas d’autre mot, et les efforts de redressement national des honnêtes travailleurs. Est-ce que vous trouvez normal, M. Gattegno, que certaines personnes dont les revenus ne sont pas identifiables roulent en BMW ? Je ne trouve pas cela normal."
Bien que M. Gattegno n’ait pas été présent à cette conférence de presse, l’allusion n’a échappé à personne.

L’enquête suit son cours, et l’indice d’insécurité Vigipirate a été porté à cramoisi une heure plus tard, signe clair que le gouvernement prend cette affaire très au sérieux.