Helmut San Pericoloso der Sporgerzi, mercredi 17 décembre 2003 - 07:41
L’attaque menée contre les dangereux pollueurs de notre espace publicitaire métropolitain, aussi louée soit-elle, ne doit pas masquer la lutte de fond qu’exerce notre Justice contre le fléau perpétuel, la lâche habitude que certains petits voyous ont pris de dégrader par d’odieuses fresques primales qui des murs, qui des trains, qui des métros.
Quoi de plus beau en effet qu’une rame de RER s’élançant dans les premiers frimas de l’hiver, chargée de ses voyageurs industrieux, les vitres légèrement marbrées de buée exhalée par le quidam au comble de l’extase, plongé dans la lecture de ’Metro’ ou ’20 Minutes’ ?
Regardez-les également, ces longs trains gris métal, endormis au beau milieu d’une banlieue habilement coupée en deux, ce qui permet à notre jeunesse d’exercer son sens du territoire, en particulier lorsque ceux des Lombières vont "foutre une branlée" à ceux du Primont, en face. N’ont-ils pas fier allure (les trains, pas les jeunes, faites un effort) ?
Quoi de plus vibrant que quatre ou cinq voies ferrées traçant un sillon au beau milieu d’une agglomération quelconque, montrant la voie du progrès, du travail, de l’efficacité qui jaillit là-bas, à la Capitale ? Elles sont une frontière nette et précise entre ceux qui prennent le train, et les autres, les indigents, les chômeurs, les intermittents du spectacle et autres gens qui n’aiment pas Michel Sardou.
Pas étonnant dans ce cas que ces rames cristallisent toutes les haines, depuis les mesquineries trosko-syndicales qui enrhument régulièrement le réseau et font perdre de précieuses minutes aux vrais travailleurs, jusqu’à ceux qui nous préoccupent aujourd’hui (et le lecteur nous pardonnera cette introduction fort longue mais aujourd’hui j’ai repris deux fois des cagouilles pour fêter l’arrivée dans ma boite aux lettres de la prose électorale de J.F. Copé) : les "taggers", comme ils se nomment.
Nous autres usagers seront heureux d’apprendre que notre Brave Patrie prête un soin tout particulier à s’assurer que ces dangereux terroristes (rien moins coupables que de perturber notre confortable grisaille bi-quotidienne avec des esclandres de couleur en osant appeler cela de l’art) ne récidivent point, une fois que la main de la justice s’est posée sur leur poignet portant encore la marque distinctive de l’utilisateur assidu de peinture en spray (sachez les reconnaître pour mieux les dénoncer !).
Ainsi, nous eûmes le week-end dernier le loisir de constater , au cours d’un entretien avec un de ces dangers pour la société, que notre police donne toute la mesure de son efficacité lorsque les faits le justifient.
Ainsi, cet hurluberlu ayant jugé malin de filmer des "opérations" d’un groupe de taggers faisant partie de ses amis, doit aujourd’hui faire face à la Justice Brave Patriote : pour cet outrage, il sera jugé, nous l’espérerons sévèrement. Mais en attendant son procès, car la justice, si prompte qu’elle puisse être, doit tout de même prendre son temps (suuuuurtout dans ce genre de cas épineux), il convient de s’assurer que notre coupable va d’abord, passez-moi l’expression, en chier un bon coup.
Afin de s’assurer que d’une part il n’échappe pas à notre Justice, et que d’autre part on puisse un peu défouler notre cher personnel administratif de la Police, ce djeunz se voit contraint de signer tous les 15 jours au commissariat de son quartier, où les agents des forces de l’ordre le regardent d’un sourire narquois se soumettre à cet acte d’obédience.
De plus, car c’est tout de même de peinture sur des trains dont il s’agit, pas de rapport hypothétique sur la francophonie ou de factures hâtivement rédigées, on s’assure que ce voyou soit au plus juste financièrement en lui imposant de verser mensuellement une caution. Après tout, tout ce que notre Brave Patrie lui ponctionne, c’est autant de moins qui ira dans les poches de l’industrie de la peinture en bombe, n’est-ce pas ?
Il est tout de même dommage que cette caution puisse lui être reversée ; nous aurions préféré une bonne vieille amende des familles, mais des considération droit-de-l’hommiste tendraient à dire que c’est bien assez pour une personne en principe innocente jusqu’à preuve du contraire. Non, la Justice française reste tout de même magnanime et préfère, tout en lui gardant le statut d’innocent théorique, lui mettre des fers légaux et financiers pour lui apprendre la vie, à ce rebelle (et pour qu’il ne se carapate pas en Argentine, prétexte à faire le malin devant les médias à son retour).
Et enfin, car on n’est jamais trop prudent, notre Brave Patrie ajoute un élément de prévention (les gauchistes en veulent toujours trop, c’est vrai ; cependant, un peu de prévention ne saurait nuire). Et là, on saluera l’ingéniosité de notre système : la Justice, toujours en attendant le véritable procès de ce voyou, lui interdit l’utilisation des transports en commun.
Sans transport en commun, sans moyens financiers pour s’acheter un véhicule automobile, il a belle allure, notre rebelle ! Qu’on l’y reprenne, un peu, à essayer de rompre la noble harmonie de nos matins fiévreux, où tous entassés dans de beaux wagons en métal et imitation formica, nous nous frottons les uns aux autres afin de renforcer la cohésion de notre Brave Patrie ! Qu’il prenne le vélo, ça lui fera les mollets ! Qu’il cherche un travail comme testeur de nouveaux modèles chez Decathlon(TM) !
Gloire à notre Justice qui lutte pour nous préserver de la barbarie ! Sus aux terroristes ! Vive Nicolas Sarkozy ! Vive J.P. Raffarin tant qu’il reste au dessus de la barre des 30 29 285% !
Nous vous rappelons que le voyou en question est innocent jusqu’à qu’il soit jugé coupable. Ca ne change rien, mais c’est important, les mots.
D’autre part, nous remercions le Décathlon(TM) de St Denis, plus grand magasin de sport de toute l’Europe. Décathlon(TM), une équipe motivée au service de notre Brave Patrie ! Vite, j’y cours, pas vous ?
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