Didier Kala, lundi 23 mars 2009 - 12:29
Après des siècles de spoliation culturelle des nations du Tiers-Monde, les cas se multiplient où ceux-ci se rebiffent et réclament que leurs soient retournés les biens pillés. Les bronzes chinois de la vente Saint-Laurent ou les écrase-merdes du Mahatma Gandhi n’en sont que les exemples les plus récents. En parfaite cohérence avec son attitude actuelle sur les droits d’auteur, la France a décidé de prendre les devants et de restituer une idée ramenée il y a bien longtemps sur notre territoire par des aventuriers sans scrupules. Un protocole d’accord a ainsi été signé pour le retour complet de la démocratie dans son milieu naturel : la saumure à la feta.
Les musées en sont remplis et les touristes repartent les poches pleines de leurs reproductions, croyant emmener avec eux un petit bout de France monté sur un porte-clés. En ceci ils ne font que reproduire le geste millénaire de ces hommes à l’honnêteté douteuse qui profitaient de ce que le Noir matait avec concupiscence son passé par dessus son épaule pour lui faucher son bien le plus précieux : l’expression matérielle plaquée or de sa mémoire.
Or la Vénus de Milo, Léonard de Vinci ou l’Obélisque de la Concorde ne sont pas français, qu’on se le dise : ils viennent de Milo, de Vinci, et de Louxor. Et les Français regardent en avant, résolument, car l’haleine du souffle rauque dans leur nuque est lacrymogène.
Pour cette raison, et parce qu’une identité nationale, fût-elle d’une autre nation, ça se respecte, le gouvernement a choisi d’être proactif et de restituer à leurs pays d’origines les centaines de milliers d’articles cosmopolites et décadents qui leur ont été "empruntés".
Et il y a urgence, car il n’est malheureusement pas toujours possible de retrouver les propriétaires d’une œuvre : « Quand on a voulu rendre les Chagall, par exemple, déclare ainsi Eric Besson, un expert en pillage culturel, et bien peau d’zob. On a sonné, on a sonné, mais les proprios étaient partis sans laisser d’adresse. »
La liste est longue des œuvres à rendre à leurs propriétaires légitimes, mais parmi elles une revêt une importance particulière : la démocratie.
Il ne s’agit certes pas d’un bien matériel. Mais il faut se rendre à l’évidence : l’absence dans les archives nationales d’un support bien défini, comme par exemple un CD, un DVD ou une facture iTunes, prouve que la démocratie a été téléchargée illégalement.
Par ailleurs, le caractère étranger de cette idée a frappé Nicolas Sarkozy il y a bien longtemps, lors d’une réunion de magistrats : la démocratie, c’est bien un truc pour les tapettes en robe longue. Une brève recherche dans sa vaste collection d’images Poulain lui a permis de retrouver ses auteurs, les Grecs.
Mais la démocratie a été éparpillée dès son arrivée en France il y a un peu plus de deux siècles. On en trouve des fragments au fronton des mairies, d’autres dans la constitution, d’autres encore dans les bibliothèques, etc. Si certains élus facilitent son rassemblement en vendant aux enchères la portion qui leur est dévolue, la plupart des citoyens ne savent même pas qu’ils recèlent un fragment de bien culturel volé.
Cela rend impossible sa restitution à la Grèce en un seul morceau. C’est pourquoi le protocole d’accord avec le gouvernement grec prévoit de rendre la démocratie en lots.
Nicolas Sarkozy voit dans ce geste un symbole fort de justice sociale, et c’est pourquoi il a fait la promesse de l’achever avant la fin de son premier quinquennat en 2012. Il a ensuite fait la promesse de tenir cette promesse. De fait, les choses semblent bien parties puisque le président s’est attelé à la tâche avec ardeur dès son élection.
La question de savoir avec quelle valeur remplacer la démocratie reste en suspens.
Un comité d’experts a été nommé, qui s’appuiera entre autres sur les travaux de la commission OAS de 1961. Pour son président Eric Besson, consultant en conduite du changement, deux modèles se situent résolument parmi les favoris : « Les années 1800 et les années 1940 sont deux périodes très intéressantes d’un point de vue national. La première période avait un panache indéniable, et la seconde était pas mal côté restauration morale. La commission balance.
« Il faudra aussi trouver un statut imagé particulier pour notre président. Père de la Nation ou Tonton, c’est déjà pris, et puis ça fait un peu vieillot pour M. Sarkozy. “Beauf de la Nation” ça claque pas mal, c’est une des pistes que nous étudions. »
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