Didier Kala, lundi 22 novembre 2010 - 19:55
Nicolas Dupont-Aignan n’est pas suffisamment connu des Français.
Si l’on excepte sa participation à l’offensive zombie de Jean-Pierre Chevènement en 2005 et une association maintenant lointaine avec MM. Pasqua et de Villiers, son LOLfactor est quasiment nul. Comment alors viabiliser sa candidature à l’élection présidentielle de 2012, qu’il a annoncée hier ?
En invitant blogueurs et utilisateurs de Twitter à assister à son congrès, censé provoquer une gueule de bois carabinée chez les « adeptes de la pensée unique et les froussards », l’un des hommes politiques français qui se servent le mieux d’internet nous donnait l’occasion de lui offrir quelques Unités de Bruit Médiatique.
Brave Patrie a enfourché son téléphone intelligent pour couvrir la journée.
Première constatation : le livetweet est difficilement réalisable à partir d’un troisième sous-sol [1]. Ce qu’était, fondamentalement, la salle Olympe de Gouges du XIe arrondissement de Paris.
Un semi-échec donc pour celui qui avait invité « les twittos » à couvrir son raout, mais l’ambiance bunker renforçait toutefois le sentiment des militants de participer à un mouvement de résistance et favorisait la cohésion du gros millier de personnes présentes.
Des personnes relativement âgées, non-diverses dans leur immense majorité, qui ont suivi avec attention la série d’interventions thématiques du matin, animées par les divers mouvements que Debout la République entend fédérer dans une optique républicaine et souverainiste.
Avec plus ou moins de bonheur mais toujours une grande détermination, les intervenants ont abordé les principales questions de société — ou plutôt, comme a tenu à le préciser par la suite l’écrivain Paul-Marie Couteaux : « de civilisation, de civilisation française ! » — auxquelles notre Patrie est aujourd’hui confrontée [2].
Des discours pleins d’ardeur, de passion et parfois d’emportement un peu brouillon : Maître Henri Temple a ainsi déploré que la « notion de Mafion [soit] diffamée » par l’Internationale Socialiste mais a su retomber sur ses pieds en récitant sans se tromper les mots-clés Clovis, Jeanne d’Arc et Valmy.
Loin du discours victimaire habituel, Madame Maxence Ansel, elle-même d’origine camerounaise, a demandé plus de respect et de reconnaissance pour les immigrés, en rappelant que la proportion d’enfants issus de l’immigration est bien moindre en France qu’en Allemagne et que là-bas la question ne se pose pas avec la même acuité (une assertion à laquelle notre auditrice témoin n°1, deux fauteuils à droite, réagit violemment : « Oui, mais ils n’ont que des Turcs. Nous on a des Noirs »).
Les lombrics, principales victimes de la politique hégémonique américaine à laquelle nous à livrés la dictature européaniste.
Défense du service public et dignité pour les travailleurs français aussi étaient de mise, avec la proposition par M. Delarue, président de SOS Usagers, de lutter contre l’insécurité en organisant des actions populaires (dont nous n’avons pas encore très bien compris si elles relevaient de la constitution de milices privées), ou bien celle formulée par M. Gérard, vice-président de Debout la République, de sortir de l’euro pour mettre fin à « la baguette à dix francs ».
Emotion quand François Lucas, président de la Coordination Rurale, parla avec humilité de la condition agricole, citant tour à tour George Bush et Dieu et rappelant que « le tracteur agricole qui tirait l’économie est aujourd’hui en panne », soutirant des larmes à ceux dans l’assemblée qui se souvenaient de la douceur de l’année 1948. Rendant hommage à la « quantité innombrable de travailleurs souterrains » du secteur agricole, il souligna enfin que le lombric ne pouvait comprendre les comparaisons de systèmes de production et qu’à ce titre la PAC devait être profondément remaniée.
Deux hommes de terrain et de métier, le sénateur Jean-Louis Masson et Gérard Tardy, maire de Lorette, fermèrent le cahier de doléances en dénonçant violemment la réforme des collectivités territoriales, qui selon eux bafoue la démocratie locale et centralise la gestion du pouvoir en confiant celui-ci à des barons locaux assujettis aux directions nationales des partis.
Des revendications diverses qu’il convenait de fédérer avant de libérer l’assistance pour le déjeuner et la nécessaire pause prostate le précédant.
La tâche échut à un jeune, jeune membre du mouvement, présenté comme son « meilleur blogueur »[Réf. nécessaire] par le maître de cérémonie.
Usant d’un discours de rassemblement piochant dans le vocabulaire altermondialiste aussi bien que dans la critique féroce du socialisme intransigeant et radical de Martine Aubry, démontrant une grande érudition historique (« La prochaine crise sera la Guerre d’Algérie qui imposera son New Deal »), il énuméra ainsi un certain nombre de propositions d’ouverture qui devaient préparer à l’arrivée des vedettes après le déjeuner.
La buvette est l’endroit où bat le pouls d’un mouvement politique. C’est là qu’on peut toucher au plus près la nature de ses adhérents ou sympathisants, avec la même sensualité que ceux-ci touchaient le fond de leur poche, espérant y retrouver quelques vieux francs des fois que leurs euros soient refusés.
C’est là aussi que s’effectue la synthèse des travaux du matin :
« J’ai bien aimé les interventions, mais pas toutes. La Gabonaise, par exemple...
— Ah oui, moi ce qui m’a énervé c’est pas forcément ce qu’elle a dit, mais tout ce qu’elle n’a pas dit... »
C’est là, enfin, dans une ambiance détendue grâce au talent du banda Kalimucho, que les congressistes apprennent à mieux se connaître. C’est là que Mamie Liliane pose son sac de beau cuir patiné par les ans et répond de derrière un masque de plâtre étonnamment bien conservé malgré ses 85 ans d’âge « Aaah on est bien dans ce parti, on est entre gens polis, on peut laisser son sac... ». Derrière le sac, un demi-sandwich mou est jeté dans une poubelle.
Une seconde après le départ tremblotant du café de Mamie Liliane, Jean-Marcel, pas beaucoup plus jeune qu’elle, récupère le demi-sandwich mou dans la poubelle et semble le trouver à son goût.
A la surface, trois étages plus haut, c’est le territoire des jeunes : ils fument à la sauvette, en attendant de retrouver la chaleur du banda Kalimucho. Se faufiler vers le dernier mètre carré abrité de la bruine pénétrante, c’est comme faire défiler lentement les stations sur un poste de radio : « Tu vois, j’ai beau n’avoir que quarante ans, j’ai déjà fait des choses... », « Mais le service militaire ça permettait d’apprendre un métier ! », « Là, il y avait des anciens du SAC. Ils n’étaient plus en activité mais c’était intéressant... »
Bien avant l’heure de reprise annoncée des travaux, la salle est déjà presque pleine. Vers l’avant un drapeau breton évolue lentement, témoignant de la présence des Chouans.
Jean-Marcel, qui n’a pas obtenu de microcrédit personnel de la Ville de Paris, lit la Lettre de Rastignac en tenant la page à huit centimètres de son nez. Il repose Valeurs Actuelles quand la lumière baisse et que le maître de cérémonie introduit la première des stars qui feront scintiller le congrès de Debout la République, l’immense politologue Henri Tisot, qui gratifie l’assistance d’une de ces hilarantes imitations de Charles de Gaulle dont il a le secret. (Notons que M. Tisot n’animera jamais la matinale de France-Inter tant sa verve est corrosive et impertinente pour le pouvoir en place.)
Après l’intervention de cet humoriste de notre temps pour un candidat de notre temps et l’évocation plus vraie que nature du Général, le décor est planté pour que s’envolent enfin la rhétorique et le champ lexical martiaux qui perçaient depuis le matin : avant de s’affronter dans le discours officiel de candidature de M. Dupont-Aignan, les notions de résistance, oppression, dictature, totalitarisme, Vichy, Allemagne, Allemagne, Allemagne ! seront mis à contribution par trois invités exceptionnels.
Et quels invités ! Chacun dans leur domaine et avec leur sensibilité, au nom d’une « identité politique qui se bâtit sur les valeurs communes des combats » [3] révélatrice de l’œuvre de rassemblement de Nicolas Dupont-Aignan, ils luttent pour le triomphe de la justice, ils disent « Non ! » au déshonneur et « Oui ! » à la Liberté.
Jacques Sapir, Edwy Plenel et Paul-Marie Couteaux se sont ainsi succédé pour témoigner, respectivement :
que nous disposions d’atouts pour sortir de la crise car, l’Allemagne ayant un excédent commercial de 27 milliards d’euros avec notre pays, la France est en position de force et peut se permettre de rompre avec elle ;
que le vent d’une révolution nationale, cette colère contre le monde et la démocratie, la protection de "ceux d’ici" et l’éloignement de "ceux d’ailleurs" sont finalement du pipi de chat et qu’il est des jours, chers lecteurs, où l’on a pu avoir tort ;
qu’il existait des solutions en dehors des clichés, qu’il pouvait y avoir une voie française « entre l’Empire et les fanatiques religieux qui bien souvent œuvrent ensemble ».
Les vespasiennes étaient certes entourées de flaques de pisse à la fin de la journée, mais comment contrôler sa prostate quand on passe la journée dans un décor si funky ?
Une standing ovation salue les prestations de ces trois acteurs de la société civile, et Jean-Marcel, entretemps, a pris possession d’un des drapeaux français distribués par les bénévoles du parti en prévision de l’arrivée de leur président. Ce soir, il aura moins froid.
Sur la scène, les moins de trente ans se sont réunis (ils sont vingt, vingt-cinq maximum) alors qu’une haie d’honneur se forme près d’une des entrées de la salle. L’heure approche.
Nicolas Dupont-Aignan osera-t-il une galouzade, ce procédé qui consiste à monter sur scène au son d’un air kitsch et connoté gay des années 80 ? Mieux ! C’est de la hard-trance dans le style peplum qui jaillit des hauts-parleurs et Jean-Marcel a du mal à discuter avec l’ami qu’il vient de retrouver, un type en imper bleu défraîchi, au visage tuméfié, qu’on avait remarqué un peu plus tôt à la buvette et qui lui aussi a trouvé un drapeau français.
Enivrée par la musique folle, la foule acclame à pleins poumons : « Du Kool Aid ! Du Kool Aid ! Du Kool Aid ! »
Puis un silence olympien descend sur la salle quand le Candidat prend la parole, pour remercier ses invités, ses amis, ses compagnons. Et plus particulièrement M. Plenel, dont le discours l’aurait semble-t-il fait pleurer - sans doute un trop plein d’émotion datant de 2005.
Après le passage obligé du « Hier, je me promenais dans ma ville quand une maman... », M. Dupont-Aignan prend de l’assurance, part à l’offensive et adopte son rythme de croisière.
Une croisière qui a duré, selon nos calculs, une bonne heure et demie.
Une longuette croisière durant laquelle il a réitéré son souhait de rassembler au-delà des clivages politiques et a alterné exemples de misère de la France (dont l’augmentation de 80% de l’euro en deux ans, ce qui nous a appris que le mètre-étalon de la misère de la France était le dollar US) et dénonciation des causes de cette misère : un gouvernement corrompu, la propagande, les « mercenaires du système » en citant Jacques Attali ou encore Alain Minc (notre auditeur témoin n°2 a pour sa part cité « A l’échafaud ! » à l’énoncé de ces deux noms).
M. Dupont-Aignan a su rester proche des préoccupations de son auditoire, de leur vie quotidienne. Par exemple en citant Anne Roumanoff et en confiant, enthousiaste : « elle est drôle ! ».
Vint le moment de la prise de position politique : après avoir longuement cité ses maîtres à penser, et en particulier Philippe Séguin « que personne n’a le droit de récupérer », le Candidat entreprit une démolition en règle de l’UMP et du PS, en balayant du revers de la main le Front National : certes il est nationaliste, mais il est profondément républicain.
Ce dont nous ne doutons pas un instant.
Ce dont nous doutons toutefois, c’est qu’un rassemblement sur la base d’un discours profondément viril, au moyen de déclarations bandantes comme « les Français sont sans doute le peuple le plus rebelle de la terre. [...] C’est celui-là qui gêne, il faut le tuer », ou autour et exclusivement autour du drapeau tricolore parvienne à séduire les tapettes modérées que le président de Debout la République souhaite s’attacher.
Cet échantillon nous a semblé hier être absent des travées et de la scène de la salle Olympe de Gouges. C’est sur la foi de ce retard à combler que nous attribuons à M. Dupont-Aignan le titre d’Outsider LOL de la prochaine élection présidentielle.
Très certainement animé de bonnes intentions, doté d’un sens du service politique que nous estimons sincère, il aura fort à faire pour tenter de convaincre que son discours peut inclure au-delà des malades mentaux fiers Patriotes qui ont choisi de le suivre.
Nous prévoyons donc de nombreux rétro-pédalages et d’éventuels claquages des adducteurs d’ici la collecte des 500 signatures dans un premier temps, et le premier tour de l’élection présidentielle dans un second temps.
La journée d’hier présentait quoiqu’il en soit un caractère historique, et les personnes présentes en garderont toujours le souvenir : quand Nicolas Dupont-Aignan a commencé sa longue marche, ils étaient là. Et une fanfare jouait, qui portait le nom d’un mélange de Coca-Cola et de pinard espagnol frelaté.
[1] Certains collègues, qui ont choisi un opérateur qui n’est pas un ami du président de la République, ont apparemment pu communiquer avec le monde extérieur.
[2] Un début précoce des ateliers nous a malheureusement fait rater les premiers d’entre eux
[3] Lectrice, lecteur, sauras-tu retrouver l’auteur moustachu de cette déclaration au style inimitable ?
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Marlene Tran
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